En 2020, les marques de luxe en Asie se sont réinventées

Après un déclin des ventes estimé à 25% lors du premier trimestre 2020 touchant le secteur du luxe, les marques ont décidé d’expérimenter de nouvelles méthodes pour attirer et fidéliser leur public en ligne face à la crise sanitaire.

Alors que la vente en ligne dans le secteur ne représentait que 10% des ventes en 2019 d’après McKinsey[1], les marques de luxe ont accéléré leur transition vers le digital.  En Asie, c’est la Chine qui tire la croissance du secteur depuis quelques années au point où les consommateurs chinois devraient représenter 50% du marché d’ici 2025, d’après Bain & Company[2]. Le consommateur chinois hyper connecté est donc au cœur des réflexions. La digitalisation des marques de luxe passe principalement par des marketplaces, plateformes incontournables dans le pays.

Avec la crise, deux tendances de fond ont fait surface. D’une part, les marques ont été amenées à exploiter de nouveaux canaux comme le live streaming ou la vente aux enchères en ligne. Ensuite, la montée de l’achat d’articles d’occasion les pousse repenser le cycle de vie de leurs produits. D’ailleurs, certaines marques s’appuient déjà sur la technologie de la Blockchain pour améliorer la traçabilité de leurs produits et ainsi l’expérience d’achat et de revente.  

Les marketplaces, les impératrices du luxe en Chine

 

 

Visuel du shopping festival 618 de JD.com. Source : pandaily.com

Connaissez-vous le « shopping festival 618 » (618 signifiant la date du 18 juin) ? Il s’agit d’une période de soldes en Chine, à l’instar du désormais célèbre Singles’ Day. Lors de l’édition 2020, les marques de luxe ont réalisé en seulement une demi-heure le même chiffre d’affaires que l’an dernier en une journée, via la marketplace de JD.com, géant de l’e-Commerce chinois. Sur la plateforme Tmall, opérée par son concurrent Alibaba, 178 marques de luxe ont participé au festival, soit le double du nombre de marques ayant participé au dernier festival du Singles’ Day en novembre 2019[3].

De plus en plus de marques de luxe créent leur boutique sur ces plateformes, après avoir tenté de privilégier la stratégie Direct to Consumer (vente directe ou D2C) afin de conserver un contrôle total de leur image et de leurs prix. Les marketplaces sont sans conteste devenues incontournables, d’autant plus en période de crise. Afin d’attirer les marques de luxe, Alibaba et JD ont créé des plateformes spécialisées, respectivement Tmall Luxury Pavilion et JD.com TopLife. Les marques disposent ainsi d’espaces dédiés au luxe, où les produits ont la garantie de ne pas être affichés à côté de produits de grande consommation. Ces boutiques leur offrent également une autonomie complète pour personnaliser leurs interfaces, contenus, prix, etc.

 

 

Tmall lançait sa plateforme Luxury Pavilion en 2017 pour attirer les marques de luxe

Le live streaming et la vente aux enchères en ligne, deux nouvelles aubaines pour les marques de luxe

Les marques de luxe ont également commencé à expérimenter le live streaming qui a littéralement explosé pendant la crise sanitaire en tant que nouveau canal de vente. Ainsi Louis Vuitton a été la première marque internationale à tester le live shopping sur la plateforme chinoise XiaoHongShu (aussi appelée RED ou Little Red Book) le 26 mars dernier. La maison avait choisi une actrice et une influenceuse mode célèbres pour réaliser cette session d’une heure qui a été vue 880 000 de fois[4]. Les deux personnalités ont partagé leurs conseils sur les accessoires et le prêt-à-porter de la collection été 2020.  

 

 

 


Autre exemple : en février, à l’occasion de la Fashion Week à Paris, la maison Lanvin avait fait diffuser son défilé Automne/hiver 2020 en live streaming sur Secoo, plateforme e-Commerce chinoise dédiée au luxe[5]. Le défilé, commenté par un influenceur chinois basé à Paris, permettait à l’audience équipée de casques de réalité virtuelle de visionner le défilé. L’opération a été réalisée en partenariat avec iQiyi, le Netflix chinois.  

 

 

 

En raison de la pandémie, de nombreux défilés de mode ont dû être annulés. En mars, la Fashion Week de Shanghai s’était associée à Alibaba pour diffuser le défilé exclusivement en ligne sur la plateforme dédiée du géant, Taobao Live, faisant de la Fashion Week de Shanghai le premier événement de mode à être 100% digital.

> A voir la Fashion Week de Shanghai 100% digital

En mai dernier, la filiale Asie de maison de vente aux enchères Phillips a réalisé une vente d’articles d’art contemporain à Hong Kong, à côté desquels se trouvaient des articles de joaillerie et d’horlogerie de luxe. Cette vente aux enchères cross-catégories était une première[6]. La crise sanitaire a obligé Phillips Asia à réaliser cette vente aux enchères exclusivement en ligne, ce qui a aussi permis d’attirer des générations plus jeunes. Lors de cette vente, 90% des lots ont été acquis par 56% de nouveaux acheteurs et 42% d’acheteurs de moins de 40 ans[7].

 

 

L’occasion et la Blockchain obligent les marques à repenser le cycle de vie des produits

Le marché de l’occasion est en pleine effervescence en Chine et dans le reste de l’Asie ; il devrait continuer son expansion suite à la crise. Les marques de luxe vont devoir prendre en compte du cycle de vie complet d’un produit et repenser leur distribution en réponse à cet engouement. La Blockchain est la technologie qui pourrait faciliter les choses.

La marque de luxe hong-kongaise Lane Crowford a été pionnière à cet égard ; elle encourage sa communauté à faire don des vêtements qu’elle revend pour lever des fonds pour des associations caritatives ou des projets durables. Elle permet aux clients de connaître la date du don, la durée pendant laquelle l’article a précédemment été porté et dans quelle ville, en scannant simplement un QR code. De plus, le client peut accéder aux informations concernant l’impact environnemental de son achat : pour chaque article, la quantité de ressources économisées (eau et CO2) est calculée et affichée à la suite de la description du produit. Pour cela, Lane Crowford passe par l'intermédiaire de son propre pop-up store Luxarity qui a recours à une plateforme basée sur la blockchain Ethereum.

 

 

La marque Lane Crawford permet aux acheteurs de seconde main de retracer le cycle de vie d’un vêtement

Plus récemment, la plateforme d’articles de luxe d’occasion Reebonz, leader en Asie du Sud-Est, a annoncé travailler avec la start-up singapourienne VeChain spécialisée dans la Blockchain sur un certificat digital. Ce dernier a pour but d’offrir la possibilité à ses clients d’établir la provenance des articles achetés. Tous les produits de son inventaire depuis janvier 2019 auront un QR code afin de connaître les détails du produit, de sa provenance à son historique de transactions. Si le projet est encore au stade de pilote, depuis décembre 2019 ce sont 50.000 produits qui ont été associés à un certificat digital. Le système offre également d’autres avantages : il permettra à Reebonz de réaliser des économies d’échelle dans son service d’authentification et aux clients de révoquer le certificat en cas de vol. Nous venons de le voir, le digital n’est plus une option pour les marques de luxe. Entre les opportunités en termes de marketing et de logique d’économie circulaire, le digital est un levier indispensable pour que les marques puissent se réinventent et surmonter la crise du Covid-19.  

[1] China Luxury Report 2019, McKinsey Greater China’s Apparel, Fashion and Luxury Group

[2] https://www.bain.com/about/media-center/press-releases/2020/spring-luxury-report/

[3] https://jingdaily.com/will-chinas-shopping-festivals-save-the-luxury-market/

[4] https://www.scmp.com/magazines/style/news-trends/article/3078263/louis-vuittons-live-streams-shanghai-fashion-week-tmall

[5] http://www.forbeschina.com/business/47321

[6] https://www.phillips.com/press/release/phillips-asia-launches-its-first-ever-crosscategory-online-auction-

[7] https://ocula.com/magazine/art-news/young-buyers-boost-phillips-online-auction/

Découvrez notre article sur l’essor de l’occasion en Chine