Le Big Data dans le domaine du marketing, un changement de paradigme sans précédent

Le domaine passionnant du Big Data a émergé dans tous les métiers du digital. Je vous propose une réflexion menée sur le Big Data appliqué au marketing, après une période d’exploration et de documentation.

Ce phénomène est bien une tendance de fond qui doit faire l’objet d’attention et d’efforts particuliers en entreprise. J’ai choisi de m’appuyer sur la publication « La gestion des « Big data » en marketing : défis, opportunités et voies de recherche » d'Audrey Davoust, doctorante en management, et Pierre Volle, professeur de Marketing et Customer management.

Le phénomène Big Data et le marketing, quelques notions de base

Le domaine du marketing comme les autres, subit un bouleversement profond face à la déferlante Big Data. Le développement de l’e-commerce, des réseaux sociaux, du CRM et de l’IoT par exemple, est une mine d’information pour celui qui sait gérer et traiter les données.

De même, la particularité de ces nouvelles données clients/prospects est qu’elles sont structurées et non-structurées, immédiates, hétérogènes et volumineuses. D’où la nécessité de consentir à des solutions techniques innovantes pour les collecter, les stocker, les traiter, et les restituer sous forme d’information d’aide à la décision. En parallèle, il est inéluctable pour le marketing de se pencher sur des problématiques d’éthique et de consentement lors de la collecte et du traitement desdites données client. Le domaine du marketing doit adopter une stratégie Big Data s’il souhaite saisir des opportunités de marché en temps réel dans un environnement ouvert en perpétuelle mutation.  

L’exploitation des données

Pour exploiter et traiter les données, de nouvelles compétences techniques et organisationnelles sont nécessaires. Par exemple, pour le stockage et la gestion de données massives, la naissance de frameworks et d’architectures techniques spécifiques a été nécessaire ; les GAFA étant les précurseurs dans l’émergence de ces technologies. De même, le recours aux algorithmes prédictifs utilisés en marketing permettent, sur la base de données collectées, d’identifier et d’anticiper les comportements futurs des clients ou prospects. L’analyse de sentiments à l’aide du NLP (Natural Language Processing) est particulièrement utile pour les marketeurs dans l’identification des « signaux de propension » à partir de publications sur les réseaux sociaux ou d’enquêtes sur la satisfaction client, ou encore la détection d’anomalie à l’aide du Machine learning. Ici, on parle davantage de traitement de données en flux (streaming) que de forage de données statiques (datamining). Quant à l’organisation, le concours des différents services marketing, commercial, DSI ainsi que des partenaires extérieurs est essentiel. Les acteurs du marketing doivent acquérir de nouvelles compétences techniques, analytiques et organisationnelles s’ils souhaitent continuer à comprendre leur marché, leurs clients, développer des offres adéquates et saisir des opportunités mises en évidence par les données. « Dans le secteur de la vente de détail par exemple , l’analyse des comportements d’achat en magasin en temps quasi réel peut permettre d’ajuster les niveaux de stock, les prix, les promotions et de maximiser les ventes ». (Bughin, Chui & Manyika, 2010) Cependant, cette manière de traiter les données implique que l’entreprise ait la capacité de gérer la connaissance et d’agir rapidement.  

La gestion de la relation client

La connaissance et la relation client a toujours été au centre des préoccupations marketing. Avec l’arrivée du multicanal, du cross-canal, et de l’omnicanal, le parcours client est de plus en plus fragmenté. Savoir définir les bons indicateurs (KPI) est devenu une gageure du fait de la multiplication des points de contacts. Ainsi, les équipes marketing peuvent mesurer leurs initiatives déployées sur plusieurs canaux digitaux. Grâce aux KPI, les marketeurs peuvent optimiser en continu leur stratégie et leur allocation de budget pour proposer des services adaptés et accroître le retour sur investissement. Si vous disposez de données précises, vous pourrez analyser et améliorer la performance de vos actions. Cela est indispensable afin de pouvoir mettre en place une stratégie marketing et commerciale efficace. L’un des objectifs du Big Data est donc de choisir des indicateurs pertinents pour prendre les meilleures décisions ; le marketing ayant besoin d’ajuster ses décisions aux comportements des clients et de piloter les investissements.

La détection de nouveaux marchés, la création de business models

Détenir la bonne information au moment opportun permet d’identifier, de saisir et de créer des opportunités de marché. C’est en cela que le Big Data est moteur de croissance pour les entreprises, en les approvisionnant en données sur leurs clients et leur environnement. L’open data représente aussi une ressource non négligeable de masse de données disponible à tous. Pour reprendre l’exemple donné dans l’étude, General Electric propose des moteurs d’avion connectés qui envoient des données aux ingénieurs qui pourront déterminer quand une opération de maintenance sera nécessaire. General Electric utilise ces données pour innover et développer de nouvelles solutions pour ses clients, en aidant les compagnies aériennes qui achètent leurs réacteurs à surveiller leur performance et anticiper les besoins d’entretien. Les business models ouverts se développent, permettant à l’entreprise d’intégrer les ressources et les compétences de ses clients dans les propositions de valeur. L’acquisition de données de nature différente amorce un champ de vision plus large mais aussi plus complexe à appréhender. La maîtrise de ce nouvel environnement chaotique requerra des efforts certains pour assimiler, négocier et capitaliser sur cette complexité. Les entreprises qui s’investissent dans cette discipline identifieront des opportunités couplées à une dynamique d’innovation qui leur permettront de générer des business models interactifs pour être en capacité de proposer des solutions à leurs clients, prospects et partenaires externes, le tout en temps réel. Cependant, la collecte de ces données soulève un problème d’éthique et peut générer une crise de confiance de la part des « consom’acteurs ».

 

Les enjeux d’éthique

Avec le phénomène Big Data, la collecte des données s’effectue de manière passive et --pas toujours- consentie par les consommateurs et ce, au moyen des réseaux sociaux, des objets connectés, des applications mobiles, etc. Même si les données sont anonymisées et triviales prises séparément, à l’aide de cet entrelacs, l’on peut les recontextualiser et obtenir des données très personnelles sur les clients voir même les identifier. C’est bien à ce niveau qu’intervient la notion de gestion des données personnelles et les problèmes d’éthique qui en découlent notamment dans la collecte et l’utilisation de ces dernières qui sont faites à l’insu des consommateurs. Par exemple, on peut citer le cas d’école d’une jeune fille de 16 ans qui s’est vu recevoir des bons de réduction nominatifs pour jeune maman par l’enseigne Target aux Etats-Unis. L’histoire ne sait si l’adolescente était-elle même informée de sa grossesse. Le RGPD a été mis en place en mai 2018 afin de palier à ce type de situations.

Conclusion

Le phénomène Big Data provoquant un changement de paradigme, il est essentiel de penser différemment les métiers, les infrastructures techniques, les compétences, les organisations ainsi que la relation client. L’intérêt du Big Data pour le marketing est d’apporter une amélioration dans l’offre de services tout en préservant l’intégrité des métiers. Enfin, et comme tout bouleversement dans l’histoire, ce changement majeur apporte avec lui son lot de questions, de défiances et de réflexions notamment en matière juridique et éthique, mais aussi son contingent d’opportunités et d’innovations. J’ai fait le choix de partager avec vous cette publication d'Audrey Davoust et Pierre Volle, car ses auteurs ont balayé une grande partie des problématiques auxquelles sont confrontés les acteurs du marketing depuis l’apparition du phénomène. Ils ont ainsi abordé le sujet des 4 V connus en Big Data : le Volume, la Variété, la Vitesse, la Valeur ainsi que la notion d’éthique, le 5ème V faisant référence à la Véracité des données collectées. Au-delà de diagnostiquer les problématiques, l’étude permet de réfléchir à d’autres approches, d’autres consensus, d’autres compositions et ainsi, de passer d’une pensée linéaire et statique à une démarche plus interactive et plus dynamique qui requiert la volonté et l’investissement de bon nombre d’acteurs au sein des entreprises.  

Je tiens à remercier mes collègues Julien Maillard, Rodolphe Baron et Emna Drira pour leurs conseils et encouragements durant l’écriture de cet article.