Santé connectée en Asie : 4 entreprises florissantes à suivre

L’adoption du digital dans le secteur de la santé a connu une accélération exponentielle en Asie suite à la pandémie du Covid-19.

De nombreuses innovations en la matière avaient commencé à émerger depuis quelques années afin de démocratiser et faciliter l’accès à la santé dans des pays où la pénétration d’internet est toujours plus forte et où les zones rurales connaissent une pénurie de médecins. Le digital résout également d’autres questions tels que le coût des prestations et des tabous encore importants. De la télémédecine combinée à l’IA aux robots testeurs, en passant par les applications thérapeutiques : zoom sur ces nouvelles solutions de santé connectée à travers le continent asiatique.  

Quatre cas de solutions de santé connectée que nous avons repérés

En Chine, Ping An Good Doctor démocratise la télémédecine

 

 

Cabine de télémédecine et distributeur de médicament par Ping An Good Doctor en Chine - Source : AndroidPit

En réponse aux politiques chinoises qui encouragent la digitalisation des services médicaux, le groupe de bancassurance Ping An a mis en place un service de télémédecine depuis 2019 à travers l’installation de cabines dédiées. Appelé Ping An Good Doctor, ce service avait fait l’objet d’un investissement de 38 millions d’euros dans le développement de 29 partenariats avec des géants de l’industrie nationale (secteur médical, banques, assureurs, téléphonie…) pour établir son offre : un écosystème de santé connecté[1]. Les patients s’installent dans une cabine similaire à un photomaton et font part de leurs symptômes à un « médecin virtuel ». Basé sur l’IA, celui-ci établit un diagnostic en analysant l’ensemble des données collectées :  la voix du patient, ses descriptions de symptômes et ses antécédents médicaux.

A distance, un médecin valide ensuite le diagnostic final, et prescrit les médicaments. A côté de la cabine, le patient peut retirer et payer ses médicaments via le distributeur automatique ou passer commande sur l’application Good Doctor. La plateforme qui en 2019 était déjà la plateforme de télémédecine chinoise comptant le plus grand nombre d’inscrits, a enregistré 10 fois plus d’inscriptions et 9 fois plus de consultations entre janvier et février 2020 au début de l'épidémie[2]. Les consultations étaient alors gratuites pour les patients touchés par les risques d’infection.  

Au Bangladesh, l’application Maya Apa offre des réponses aux questions de santé gratuitement

Reportage sur l’utilisation de Maya Apa (sous-titres français disponibles) - Source Facebook

Lancée en 2015, l’application permet à la population du Bangladesh d'accéder à un réseau d’experts médicaux et couvre une multitude de sujets, dont 80% sont liés à la santé.  La start-up dit répondre à 5000 questions par jour et avoir plus de 2 millions d’utilisateurs qui ont interagi avec l’application rien qu’en décembre 2019[3]. Disponible en anglais, en bengali et dans les dialectes locaux, le service est gratuit avec des options premium permettant d’obtenir une réponse en seulement 10 minutes. L’intelligence artificielle derrière Maya Expert répond à environ 30% des questions posées par les patients, avec un taux de précision de 90%, ce qui permet à la start-up de réduire fortement ses coûts.

Le reste des questions est géré par des experts, qui sont acceptés après une vérification de la plateforme. Pour les 70% restants, ce sont les experts concernés par le sujet qui y répondent en moins de 3 heures. L’application propose également une option comprenant une messagerie instantanée, la possibilité de poster des pièces jointes et des notes vocales pour communiquer. L’anonymat est préservé et permet à l’individu de garder sa(es) pathologie(s) sécurisée(s) et d’éviter des stigmatisations dans une société où de nombreux sujets relatifs à la santé sont encore tabous.

En Inde, Wysa AI propose un service de thérapie digitale

 

Capture d'écran du chatbot de l’application Wysa - Source : PCMag

L’OMS estime qu’un individu sur 4 en moyenne est affecté par des troubles mentaux à un instant de sa vie[4]. C’est pourquoi la start-up indienne Wysa AI a choisi en 2017 de s’attaquer au marché de la santé connectée en mettant au point un thérapeute de vie virtuel. L'application promeut digitalement le bien-être psychique et émotionnel, avec comme point fort Wysa le pingouin coach de vie qui se base sur un chatbot disponible 24h/24, 7j/7. L’utilisateur a accès à une bibliothèque de contenus audio sur des sujets de développement personnel et au service (par message) de thérapeutes humains, le tout restant anonyme.

Pour renforcer son algorithme et maintenir le service à jour, Wysa AI travaille en partenariat avec des psychologues et des thérapeutes. Disponible en plusieurs langues, le service ne s'arrête pas à l’Inde puisque l’application a été téléchargée par 1.7 million de personnes dans 30 pays différents, avec un total de 100 millions de conversations effectuées à ce jour (40% des utilisateurs étant situés aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Inde)[5]. Bien qu’adopté par les plus jeunes (24-30 ans) à ses débuts, Wysa a pu gagner la confiance des plus âgés (+35 ans).  

En Inde, aux Philippines et au Myanmar, Forus Health fait baisser le prix des équipements ophtalmologiques et du dépistage du diabète

 

 

Source : Instagram @forus_health_imaging

La rétinopathie diabétique est une complication qui atteint la moitié des diabétiques de type 2. Selon l’OMS, 19% des 422 millions de personnes diabétiques dans le monde se trouvent en Inde, pays qui fait face à une pénurie d'experts en ophtalmologie avec seulement 20 000 experts pour 1,3 milliards d’habitants[6]. Depuis 2018, la start-up Forus Health, spécialiste du développement d’appareils ophtalmologiques, développe 3Nethra, un appareil capable de dépister la maladie au plus jeune âge, afin d'éviter des futures complications et de réduire le risque de mortalité.

En intégrant l’IA et les capacités Cloud de Microsoft Azure, 3Nethra peut dépister en temps réel les symptômes chez le patient atteint. L’IA scanne l’image instantanément et élimine le long processus habituel d’impression des images prises pour les analyses. De plus, son utilisation ne nécessite pas d’expertise particulière et son prix est abordable pour encourager sa démocratisation. La start-up a déjà installé 2200 appareils dans 26 pays et impacté 2,5 millions de vies[7].    

Sélection d’innovations pour lutter contre l'épidémie du Covid-19 :

L’agilité digitale et technologique des pays d’Asie, l’implication des géants de la tech et le soutien des gouvernements, ont permis à de nouvelles innovations de santé connectée de voir le jour pour participer à la lutte contre le Covid-19. Les trois sélections suivantes ont attiré notre attention.  

L’algorithme d’Alibaba détecte le coronavirus en 20 secondes

Le géant Alibaba a développé un algorithme pour analyser la tomodensitométrie. Ce dernier peut identifier le virus en 20 secondes seulement, contre 15 minutes par un médecin, et ce avec un taux de véracité de 96%. L’algorithme a été formé grâce aux données et scans de plus de 5000 cas confirmés de coronavirus et utilise le deep learning pour étudier les caractéristiques de l’infection. Le système est utilisé par plus de 26 hôpitaux et 100 établissements de santé en Chine et a contribué à diagnostiquer plus de 30 000 cas au mois de mars[8].  

A Singapour, un robot pour surveiller l'état de santé des patients isolés

 

 

Le robot BeamPro à l’hopital Alexandra - Source : Alexandra Hospital

Le robot BeamPro, a été déployé dans l’hôpital Alexandra à Singapour pour contrôler à distance l'état de santé des malades isolés. Un prototype du robot avait été développé 3 mois avant le début de l'épidémie, et a donc vu son développement considérablement accéléré. Équipés d’une caméra et d’un écran, les infirmiers et médecins, visibles en visioconférence par le patient, peuvent observer le malade et lui poser des questions. Le déplacement du robot est contrôlé à distance par un ordinateur. Une deuxième version est déjà en développement et permettra au patient de communiquer avec le robot dans 4 langues différentes.  

En Corée du Sud, l’IA et le big data ont permis de développer des kits de tests

Seegene, société coréenne spécialisée dans les molécules biotechnologiques, avait dès le mois de janvier 2020 débuté des recherches pour le développement de kits de dépistage. Grâce à l’IA et au big data, en moins de 3 semaines, la société a pu contribuer à développer les premiers prototypes. Sans cet atout technologique, l’entreprise estime à 2 ou 3 mois le temps nécessaire pour arriver à développer ce même kit.

En plus de la technologie, la rapidité du gouvernement dans la mise en place de régulations adéquates et la validation médicale des kits, notamment au travers de partenariats privé-public a aussi participé à la fabrication massive de ces kits. Le pays a ainsi pu lancer des opérations de dépistage de la population très tôt.

Conclusion La technologie, et en particulier le digital et l’intelligence artificielle, représente un atout essentiel pour faciliter l'accès aux soins de santé et accélérer le développement de solutions dans le secteur. L’Asie est une fois de plus à l’avant-garde, du fait de ses caractéristiques particulières dans les pays émergents (pénurie de médecins en zones rurales, besoin de démocratisation, tabous) ou grâce au soutien d’un gouvernement qui encourage l’utilisation des technologies dans les pays développés tels que Singapour, la Chine ou la Corée du Sud.  

[1] https://www.prnewswire.com/news-releases/300-million-yuan-income-on-the-first-day-launch-ping-an-good-doctors-private-doctor-recognized-by-the-market-300902317.html

[2] https://www.scmp.com/business/article/3050074/ping-good-doctor-chinas-largest-health-care-platform-reports-jump-users

[3] https://futurestartup.com/2020/02/12/maya-ai-based-healthcare-ecosystem-250m-bangla-speaking-population/

[4] https://www.who.int/whr/2001/media_centre/press_release/en/

[5] https://www.wysa.io/

[6] https://www.aios.org/article-30-about-us.php

[7] https://www.forushealth.com/

[8] https://www.alizila.com/how-damo-academys-ai-system-detects-coronavirus-cases/